Souffrance éthique au travail : la personne mise à mal
La souffrance éthique dans le monde professionnel serait « le consentement à servir un système que l’on réprouve »1. Vendre de force des produits que l’on sait mauvais à des personnes affaiblies, mentir à des clients ou fermer les yeux sur la sécurité des chantiers par manque de temps, de moyens et sous la pression d’une direction sans état d’âme… Les exemples sont nombreux. Leur particularité ? Le rôle actif du salarié dans son propre malheur.
Le sentiment de trahir ses propres valeurs est de plus en plus répandu en entreprise. La contrariété du salarié ne vient pas de ce qu’on lui fait subir ou de ce qu’on l’empêche de réaliser mais de ce qu’il finit par accepter de faire. Le concept de souffrance éthique voit le jour dans les années 1990 lorsque Patrick Pharo, philosophe et sociologue, identifie les répercussions des « injustices commises par soi-même ou par les autres » qui affectent le moral (l’état mental) et la morale.
Face à la sensation de faire un boulot « ni fait ni à faire » voire un « sale boulot », les défenses psychiques peuvent se mettre en place. Pour tenir le coup, on bloque toute pensée critique. « Le gel de la pensée n’est pas l’interdit de penser, écrit Lise Gaignard dans Chroniques du travail aliéné. Il est de l’ordre de la capitulation de l’intelligence. C’est parce que la personne serait en mesure de tirer des conclusions gênantes pour elle que se met en place ce type de défense. »
1« Souffrance en France », Christophe Dejours
Sources : Nouvel Observateur, 12.02.2016 / Crédit photo : geralt sur pixabay (licence CC0)