Les cancers professionnels mal reconnus

Dans son édition 2015 des « cancers en France » publié fin avril, l’Institut national du cancer (INCa) souligne les inégalités sociales persistantes. Les cancers liés au milieu professionnel sont à ce titre emblématiques: en 2013, sur 2,37 millions de salariés exposés à des facteurs cancérogènes dans le cadre de leur travail, 70 % étaient des ouvriers.

En France, de 4 à 8,5% des cancers auraient une origine professionnelle. Le rôle néfaste de certains agents physiques (ondes, rayonnements), chimiques (métaux), ou biologiques (toxines, virus) présents dans l’atmosphère ne fait « pas de doute » mais il reste encore complexe à évaluer. Ainsi, tous les ans, ce sont 13 à 30 000 nouveaux cas de cancers qui seraient liés au travail. Malgré cette fréquence élevée, les cancers professionnels sont encore trop rarement reconnus comme tels. Selon le ministère du Travail, seuls 4,4 à 8,7 % des cancers d’origine professionnelle sont indemnisés par les organismes de protection sociale. La raison ? Le cancer apparaît généralement 10 à 50 ans après cette exposition. Les patients sont alors généralement à la retraite et ne font pas spontanément le lien entre leur maladie et une ancienne activité professionnelle.

Médecins du travail et prévention

Quels que soient la taille de l’entreprise et son secteur d’activité, l’employeur doit déjà établir un «document unique» dans lequel il évalue les risques et définit les mesures de prévention à mettre en œuvre. Pourtant, pour Thierry Philip, directeur du département cancer et environnement au centre Léon Bérard, le sujet est assez peu étudié. « Il y a tout simplement peu de professeurs de médecine du travail dans les centres de cancérologie. 13% des salariés au minimum respirent, touchent, travaillent avec des produits cancérogènes. Nous sommes amenés à revoir la vision des effets de seuils. Nous pensons de plus en plus aujourd’hui que des petites doses pendant très longtemps sont aussi dangereuses. L’intérêt de mettre en évidence la relation entre une maladie et un produit, c’est d’aller ensuite dans l’usine en question, de voir le médecin du travail et de lui dire « il faut absolument arriver à remplacer ce produit ». C’est un sujet très complexe et finalement assez typique de la cancérologie qui est une science multidisciplinaire. Et on a terriblement besoin des médecins du travail. On ne peut pas travailler seuls. »

Sources : Fnat – INRS – Le Monde – Image : Inca