Livre : « La santé pour tous ? » de Dominique Polton

21 avril 2015

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Alors que la loi santé vient d’être votée à l’Assemblée nationale et qu’elle continue son parcours parlementaire au Sénat, ce petit livre de la documentation Française offre une analyse de notre système de santé, très pédagogique et éclairée par des comparaisons internationales.

Les idées reçues sont nombreuses dans le secteur de la santé. L’une d’elle est la confusion entre la santé et les soins médicaux, mettant à l’écart du débat les questions de comportements à risque, de modes de vie, de conditions de travail, et bien-sûr le contexte socio-économique global.

Cette prééminence de la médecine curative mérite une réflexion sur son efficacité. Les progrès médicaux sont indéniables mais à quel prix. L’opposition est ainsi toujours vive entre le monde de la médecine et celui de la santé publique qui plaide pour un renforcement des politiques de prévention.

Les comparaisons avec d’autres pays européens sont ici source d’intérêts

Un exemple : En 2008, en France, la mortalité prématurée (avant 65 ans) représentait environ 20% de l’ensemble des décès. Un chiffre beaucoup plus élevé que dans beaucoup d’autres pays.

On considère qu’un tiers de ces décès auraient pu être évités par une réduction des comportements à risque. Avec la définition plus large de l’Office for National Statistics britannique, la proportion dépasse même les 50% alors que ceux « évitables par une meilleure prise en charge par le système de soins » plafonne à 25%.

« Ce débat a donc encore toute sa place en France pour la santé globale de la population et encore plus pour réduire les inégalités entre groupes sociaux. Un cadre supérieur peut espérer vivre six ans de plus qu’un ouvrier. »

D’autres pays vont encore plus loin. En Suède et au Québec, les lois sur la santé publique obligent aussi, depuis plusieurs années, les ministères à évaluer l’impact sur la santé de la population de toute nouvelle mesure législative et réglementaire.

Le déficit de la santé publique incurable ?

Nous vivons à crédit depuis plus de vingt ans et cette dette nourrit les débats idéologiques. « En réalité, le fait que les systèmes de santé et d’assurance maladie financés publiquement connaissent un déficit tendanciel est inhérent à la construction même [de ces systèmes] (…) La population vieillit, la prévalence des maladies chroniques augmente, la norme sociale induit une exigence accrue de réparation, et cette demande croissante rencontre un progrès technique qui étend sans cesse le champ des possibles. » Or, plus qu’une maîtrise des dépenses qui n’est pas un but en soi, c’est la performance de ce système qui mérite d’être analysée.

Les argumentations de type purement financier – la prévention ne coûte pas cher ou la prévention coûte moins cher que les soins – sont trop réductrices. C’est le rapport coût-efficacité qui doit être mesuré. Pour la prévention, « La question n’est pas de savoir si elle est moins coûteuse que les soins mais si, pour un coût donné, elle permet des gains de santé plus ou moins importants que de traiter les personnes devenues malades. »

Un débat schizophrène

Dominique Polton appelle également à ne pas se dédouaner trop facilement de notre responsabilité collective. La médicalisation croissante est aussi la conséquence d’une demande sociale. « Nous admettons difficilement qu’un traitement ne soit pas proposé même quand son bénéfice est marginal. » Développer l’esprit de responsabilité pour que chacun contribue à améliorer son « capital santé » est primordial.

 

Dominique Polton est une économiste, conseillère auprès du directeur général de la Caisse nationale d’assurance-maladie des travailleurs salariés et membre du Haut Conseil pour l’avenir de l’assurance maladie.

 

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