Enjeux et les risques de l’e-santé : gare au « solutionnisme »
3 novembre 2014
innovation / SantéLa troisième et dernière partie de notre article sur la e-santé, conclue un tour d’horizon des interventions* qui animent ce débat.
Ce virtuel favorise-t-il alors les échanges entre les personnes ou est-il un leurre ? S’il est souhaitable et incontournable de profiter de ces outils, il faut aussi ménager un peu de distance et cultiver son esprit critique.
Evgeny Morozov, rédacteur en chef de The New Republic, applique sa critique à la construction du sujet numérique, dans son second ouvrage, To Save Everything, Click Here (« pour sauver le monde, cliquez ici », 2013):
« Le solutionnisme, c’est la tendance qu’ont certains acteurs (…) à prétendre qu’ils savent comment résoudre de grands problèmes politiques et sociétaux. Il s’agit par exemple de la tendance à compter sur des applications, des appareils de self-tracking [le fait de collecter soi-même des données personnelles sur ses activités], des capteurs divers de plus en plus présents dans notre vie quotidienne pour résoudre des problèmes de société. »
Bernard Stiegler, philosophe français qui axe sa réflexion sur les enjeux des mutations actuelles portées par le développement technologique et notamment les technologies numériques, appelle aussi à une prudence éveillée et à une prise en compte de l’humain :
« Depuis quelques décennies, la raison a été remplacée par la rationalisation des ratios, c’est-à-dire la comptabilisation qui ne peut pas prendre en compte les singularités, les bifurcations et les inventions – si modestes qu’elles puissent être d’ailleurs. C’est pourquoi les gens de notre temps ont le sentiment d’être eux-mêmes de plus en plus robotisés, et c’est aussi ce que promettent les big data et ce qu’Antoinnette Rouvroy et Thomas Berns appellent « la gouvernementalité algorithmique ». Il est temps de se mettre à repenser tout cela et à rouvrir l’avenir – avec les automates et les robots (…) Si l’Europe cherche à mimer les Américains, elle disparaîtra. Et avec elle tant de choses auxquelles l’humanité tient comme à ce qui n’a pas de prix. »
A lire :
- la première partie de notre article e-santé : un autre business model
- la seconde partie de notre article e-santé : un bien commun, et non un bien public
*Toutes ces prises de parole sont issues d’articles ou de blogs hébergés sur LeMonde.fr en 2014
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